Ce document date de Février 1998, il est extrait d'un document sur l'histoire des critiques sur l'enseignement de l'EPS à l'école. Il a été écrit par F. LINOL.Il est disponible à cette adresse :
http://www.educnet.education.fr/eps/administ/R_gene_1/limoges/fiches.htm#r
I / Un livre pour connaître cette approche critique :
"Quel Corps ?"
Textes rassemblés et édités par Jean-Marie Brohm
De quoi parle-t-on quand il est question du corps? Quel est le statut social et épistémologique de cet objet-sujet singulier, ni chose bien que substance matérielle, ni symbole bien qu·ensemble de signes et de symptômes. C·est à cette interrogation qu·a tenté de répondre Quel Corps?, revue créée en 1975, autodissoute en 1997.
Les textes ici rassemblés constituent · par leur diversité et leur originalité · un exemple de la richesse des approches possibles: du corps médicalisé au corps cadavre, du corps productif au sport productif, partout un certain regard découpe des aspects de la corporéité et en occulte d·autres. Ce recueil rassemble des textes de: Jean-Marie Brohm, Michel Foucault, Vladimir Jankélévitch, Jean-François Lyotard, Louis-Vincent Thomas, Paul Virilio·
Un volume 13 x 21 cm, 224 pages - textes rassemblés et édités par Jean-Marie Brohm 15,24 Euros
Les Editions de la Passion, 128, bis boulevard de Charonne, 75020 Paris
Le lien de cette présentation du livre
http://www.editions-passion.com/html/socio/auteur27.html
II / Un document sur la fin de la revue Quels corps qui nous donne quelques éléménts d'histoire
Auto dissolution
En décembre 96, chaque abonné de la revue " Quels Corps ? " recevait une lettre dont la première phrase annonçait :
" ce n’est plus une rumeur, mais un fait : Quel Corps ? (1975-1995) a été pulvérisé par l’auto-dissolution ".
En mars 1997, était publié le dernier numéro de Quel Corps ? " AUTO-DISSOLUTION ", dans un étonnant format (10 x 15), intégralement rédigé par " le seul survivant de l’aventure initiale - de sa fondation - et restant le seul à écrire le dernier chapitre du livre - sa liquidation - ", je veux parler de Jean Marie BROHM.
Avant de tenter de résumer les raisons de cette " auto-dissolution ", lesquelles sont largement détaillées dans cet ultime numéro, il me semble important de revenir sur les origines de Quel Corps ?.
Le numéro 1 de la série qui sévira durant deux décennies, date d’avril-mai 1975. Mais il faut remonter au début des années soixante pour expliquer pourquoi un groupe de militants, créerent dans la période post-soixante huit, un " instrument théorique mais aussi une base d’action (n° 1, p. 6) pour une nouvelle façon de percevoir le corps ".
Durant cette période, existaient en France quelques groupuscules directement issus de la pensée politique de TROTSKY, tels " Lutte Ouvrière " ou l’" O.C.I. ". A côté de ces groupes au fonctionnement très archaïque, des militants anticapitalistes très critiques vis à vis, à la fois de la social-démocratie et du stalinisme incarné par le P.C.F., conçurent le projet de construire en France un mouvement révolutionnaire.
Parmi eux, figuraient des enseignants regroupés au sein de la tendance Ecole Emancipée de la F.E.N. Des professeurs d’E.P.S. révolutionnaires (ça existe ! ? ), dès 1963 décidèrent de construire dans le S.N.E.P. une tendance dite " lutte de classes ", vivement opposée à la direction majoritaire de ce syndicat (dite " autonome ", ensuite U.I.D.).
La Tendance du Manifeste dans le S.N.E.P. était née. Ses objectifs étaient triples :
" - animer une réflexion critique sur le sport et l’E.P.
- promouvoir une action lutte de classes dans un syndicat ultra-corporatiste.
- lutter pour la démocratie syndicale "
(Quel Corps n° 1)
Une revue fut créée : " Education Physique Sport et Société ". Mais, rapidement de graves divergences apparurent au sein du comité de rédaction. Le premier courant ne considérait pas la critique du sport comme essentielle et prétendait que celui-ci pouvait devenir éducatif lorsque la révolution de la classe ouvrière aurait balayé le vieux système. L’autre courant, au contraire, insistait sur le mot d’ordre sans appel " à bas le sport de compétition comme institution sociale ; non à l’utilisation politique bourgeoise du sport ". Les I. O. de 1967, entérinant la sportivisation de l’E.P.S., confirmaient ce deuxième courant sur la pertinence de ses thèses.
Dans la foulée de mai 68, parut le fameux numéro de la revue " Partisans " " Sport, culture et répression " qui développait une analyse marxiste appliquée à l’institution sportive.
La scission avec la tendance du Manifeste était consommée. Les profs de gym. militants des nombreux groupes d’extrême gauche issus de mai 68, créèrent alors la revue " Le Chrono enrayé ", organe de la tendance " Ecole Emancipée " dans le S.N.E.P., passé depuis 69 aux mains de la tendance " U et A " très liée au P.C.F.
Les campagnes idéologiques contre le sport de compétition redoublèrent d’intensité. Mais au sein du " Chrono Enrayé ", les choses ne semblaient pas assez radicales. " Devant la carence quasi-totale de l’extrême gauche sur les questions superstructurelles et en particulier sur le corps et sur le sport, les militants regroupés autour de " Quel Corps " ont l’intention de prolonger la réflexion " (Quel corps n° 1).
Le programme de réflexion et de lutte s’attaquait bien sûr au sport, mais aussi à l’analyse du corps dans la société (corps productif, les répressions sur le corps, le corps de classe, l’image sociale du corps, les nouvelles formes de cultures corporelles, etc. . .)
BROHM dans " auto-dissolution " définit " Quels corps ? " comme ayant été " un regroupement conscient et organisé de militants sur une plate forme de luttes contre les institutions capitalistes de domination qui prennent la corporéité comme cible de contrôle,
d’asservissement, de répression et d’aliénation ".
Pour quelles raisons, cette Revue " pestiférée, à l’odeur de soufre " disparaît-elle aujourd’hui ?
BROHM avance plusieurs raisons, toujours aussi en forme dans son style inimitable de pamphlétaire révolté jusqu’aux os:
* " Les départs successifs de militants, se réfugiant qui dans la niche de leur couple douillet et le cocon de leur vie privée, qui dans leurs pratiques sportives chéries, qui dans leurs carrière professionnelle
(mention spéciale pour les agrégés S.T.A.P.S., cette bande de parvenus) ".
* " Le refus quasi général ", des éditeurs et revues " légitimes " de publier Quel Corps ?
* " Le cordon sanitaire érigé autour de Quel Corps ? ", victime de la censure à la fois dans les U.F.R.S.T.A.P.S. et dans la presse en général, " convertis aux vertus " éducatives " et aux beautés " esthétiques " du sport ".
* " La contre offensive des " sociologues " officiels du sport " qui tentent de disqualifier Quel Corps dont les thèses sont jugées trop politiques, outrancières, trop négatives et ne proposant aucune alternative.
Et puis, de l’intérieur même de Quel Corps, un courant qualifié de " liquidateurs " (BAILLETTE, CAILLAT), qui aplatit " la perspective critique au nom de la compréhension culturelle du sport et de son idéologie ".
Et BROHM de conclure :
" J’ai pris conscience cependant de la fin inéluctable de Quel Corps ? lorsque je me suis rendu compte que j’étais le seul au sein de la revue à affirmer la nécessité d’une intervention militante réfléchie et systématique au sein des institutions ".
BROHM continue, cependant, cette (son) " aventure intellectuelle " avec la Revue PRETENTAINE (Institut de Recherches Sociologiques et Anthropologiques).
Commande à J. Marie BROHM, Département de Sociologie, Université Paul Valéry - Montpellier III - Route de Mende - B.P. 5043 - 34032 MONTPELLIER CEDEX 1).
Pour être complet, F. BAILLETTE gère un bulletin trimestriel " d’Evasion Corporelle " du nom de QUASIMODO ( B.P. 4157 - 34092 MONTPELLIER CEDEX 5)
A noter aussi " L’OPIUM SPORTIF " (la critique radicale du sport de l’extrême gauche à Quel Corps). Textes présentés par J. P. ESCRIVA et H. VAUGRAND (400 pages - 220,00 fr. - Editions L’HARMATTAN, 7 rue de l’Ecole Polytechnique - 75005 PARIS).
Laissons le mot (de la fin ? ) à J. M. BROHM:
" Le sport est ce que la société a fait de plus con dans son aspect spectaculaire "
" Oser penser, oser lutter "
La fin d’un mythe ?